L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

L'Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

Par Jean d’Ormesson de l’Académie française. Publié 

Il y a des rencontres dans la vie, des auteurs, des livres, qui laissent des trâces, Jean d’Ormesson fait parti de ceux-là. Aussi lorsqu’au détour d’un article, il s’est tout naturellement intéressé à l’Inde, cela ne pouvait qu’attirer ma curiosité. Ce texte, je l’ai lu, relu, il date, et forcément la réalité a quelque peu évolué, mais voyez plutôt, ce que j’ai à dire sur « L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne ».

Tout d’abord, laissez-moi redonner à César, ce qui lui appartient. L’expression utilisée dans ce titre par Jean d’Ormesson, à savoir « L’inde est une anarchie qui fonctionne » est une expression utilisée pour attirer l’attention par John Kenneth Galbraith, qui a été Ambassadeur en Inde sous Kennedy, et qui de surcroit fût un ami de Nehru. Mais je dois avouer que pendant de nombreuses années, je présentais l’Inde à mes voyageurs comme « un bordel organisé », soyons honnète, que c’est assez similaire, dans la volonté d’expliquer l’Inde en quelques mots.

Mais la plume de Mr D’ormesson n’a pas d’égale, aussi, laissons-lui vous présenter, et expliquer son approche :

Chindia ! L’axe du monde, chacun le sait, est en train de se déplacer sous nos yeux d’un Occident dominé par les États-Unis vers une Asie partagée entre deux géants : la Chine et l’Inde. À eux deux, la Chine et l’Inde représentent une masse de deux milliards et demi d’habitants. Sur trois enfants en train de naître, un au moins est chinois ou indien. Et la croissance de chacun des deux pays fait rêver les Européens qui luttent contre leur destin.

Ce texte date de 2008, les taux de croissance font encore rêver, mais beaucoup ont également pris du recul…

Il n’est pas très risqué de parier que le siècle où nous sommes entrés verra l’affrontement entre l’Inde et la Chine. La Chine a l’avantage d’une langue unique et d’une industrie lourde puissante. L’Inde règne sur les services et sur l’électronique. Avec son Parti communiste implacable à la tête d’une économie de marché, la Chine mène la course en tête. Démocratique, désordonnée, inventive, morcelée entre des langues multiples et riche d’un passé exubérant, l’Inde oppose ses couleurs éclatantes à la grisaille chinoise. Elle est depuis toujours une anarchie qui fonctionne.

Allez disons-le franchement, en terme de taux de pollution, ces dernières années, Delhi n’a pas su tirer les enseignements de Pékin!

Et, depuis toujours, l’Inde divisée a nourri avec passion des rêves d’empires successifs. Rassembler des millions d’hommes originaires d’horizons différents Aryens et Dravidiens , et partagés entre des dialectes innombrables et des croyances rivales bouddhistes, jaïns, hindouistes, musulmans… , a été une tâche infinie. Venus d’un peu partout, de Chine, d’Espagne, du Portugal, des Pays-Bas, d’Angleterre ou de France, les voyageurs n’ont jamais cessé d’être fascinés par les ruines des empires qui ont marqué tour à tour l’histoire de ce continent grand comme six fois la France.

Mr d’Ormesson, c’est 7 fois la France, allez , je ne vous en veux pas, et quand aux fascinations des voyageurs, je suis bien placée, pour le savoir… moi, Bretonne de Port-Louis, Siège de la Compagnie des Indes, d’oû les bateaux partaient à l’assault des océans pour embarquer ces trésors.

Dominé par le fameux empereur Ashoka, dont la conversion au bouddhisme est un événement considérable, le premier empire indien, au lendemain des conquêtes d’Alexandre, c’est l’empire Maurya. Un demi-millénaire plus tard, dans le nord de l’Inde, l’empire Gupta succède à l’empire Maurya.

Dans le Sud, toute une série de dynasties, dont les plus importantes sont les Chalukya, les Pallava, les Chola et les Hoysala, font peu à peu triompher l’hindouisme sur un bouddhisme déjà en recul et en voie de disparition dans le sous-continent où il était né mille ans plus tôt.

Et il y a encore de nombreux voyageurs, qui pensent que l’Inde est majoritairement Bouddhiste. Il m’est demandé « Moulins à prière », cela existe, soyons clairs, mais ce n’est pas ce qui prédomine.

Mais, dès le VIIIe siècle, une troisième religion fait son apparition en Inde : l’islam. À partir du XIIIe siècle, le sultanat de Delhi annonce déjà, de loin, le grand empire Moghol de Babur, le fondateur, d’Humayun, d’Akbar surtout, à Jahangir, à Shah Jahen et à Aurangzeb.

Toutes ces civilisations sont bien connues. Nombreux sont les voyageurs qui ont parcouru, au nord, le Rajasthan ou l’Uttar Pradesh, de Jaipur, de Jodhpur, d’Udaipur à Jaisalmer et de Fatehpur Sikri à Agra, ou qui ont découvert, au sud, les temples hindouistes de Mahabalipuram, de Kanchipuram, de Chidambaram, de Tanjore ou de Madurai.

Un exemple de programme :  Le Grand Sud de l’Inde

Oh que oui, et c’est bien dommage, le Rajasthan , l’Inde du Sud, et c’est terminé. Il y a tant à découvrir dans ce sous-continent.

 

Entre le Nord et le Sud, à peu près à mi-chemin entre Mysore et Bangalore au sud et Hyderabad au nord, autour du village perdu de Hampi, se déploient pourtant les ruines d’un immense empire presque totalement oublié : Vijayanagar « la Ville de la Victoire ».

L'Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

Vijayanagar est un ensemble architectural de quelque quatre cents temples dispersés dans un décor hallucinant de collines tropicales et de rochers de granit. La richesse et la beauté archéologiques du site ne peuvent se comparer qu’à Angkor ou à Louxor. Relativement récent à l’aune des vieilles civilisations indiennes, l’empire Vijayanagar, qui finit par dominer tout le sud de l’Inde, de la mer d’Oman au golfe du Bengale, et jusqu’à l’océan Indien, fut fondé par des princes télougou en avril 1336 et atteignit son apogée au XVIe siècle avant d’être détruit subitement par une confédération des sultanats islamiques du Deccan. Juste avant le développement du grand empire Moghol d’Akbar dans le Rajasthan, il a constitué le dernier grand empire hindou avant la conquête britannique.

En 1565, la défaite de Talikota, à quelques kilomètres de Hampi, vit l’effondrement d’une armée de cent mille hommes et la mort du dernier roi hindou de Vijayanagar, Rama Raya, tué au combat et décapité après avoir sauté de son éléphant blessé par une flèche. Le désastre entraîna le sac de la ville qui fut pillée et rasée au sol par les musulmans coalisés. L’empire Vijayanagar, qui avait été si puissant et si riche, s’effaça de l’histoire.

Son souvenir ne ressurgit qu’au XIXe siècle, quand un Anglais se hasarda parmi les ruines et en fit un relevé. Il faudra encore attendre un siècle avant qu’un archéologue français, Pierre Filliozat fils de Jean Filliozat, le grand indieniste , et son épouse indienne Vasundhara révèlent au monde savant les merveilles oubliées de Hampi. Inscrit par l’Unesco, il y a vingt ans, sur sa liste du patrimoine mondial, Vijayanagar est encore ignoré du tourisme de masse. Mais la rumeur se met à courir que des trésors inouïs, chantés jadis par des commerçants portugais venus de Goa ou par des ambassadeurs éblouis par le faste du roi Krishna Deva Raya au début du XVIe siècle et qui vont jusqu’à comparer Hampi à Rome et aux grandes capitales européennes, sont accumulés, sur quelques kilomètres carrés, dans un paysage incomparable.

Hampi, aujourd’hui, est (encore) un de ces lieux magiques où nature et culture rivalisent d’enchantement. Éparpillés sur les collines rocheuses, la plupart des monuments ont été élevés au début du XVIe siècle. Ils se partagent entre la ville sacrée et la ville royale.

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Oh, mon cher Mr D’Ormesson, que vous seriez déçus de voir, comment le tourisme de masse peut faire des ravages, et le classement UNESCO, si celui-ci est une bonne chose, la magie a été perdue à jamais, la nature et la culture, il a été privilégié la culture , à la nature, dans une organisation quasi-militaire, grillagée, clôtré pour permettre la préservation, parce que l’homme ne sait rien respecté.

Au centre de la ville sacrée, le grand temple de Virupasksha est encore en activité derrière sa tour d’entrée traditionnelle, un monumental gopuram d’une éblouissante blancheur. Les singes, les lampes à huile, l’encens, la foi profonde des fidèles, les bas-reliefs sur les murs, un éléphant de temps en temps, tout conspire à une sorte d’envoûtement qu’on retrouve dans le temple de Krishna, devant des lingams immergés dans les eaux d’un bassin ou devant des statues de Ganesh, le dieu-éléphant, fils de Shiva et de Parvati.

L’éléphante Laxmi a pendant longtemps oeuvré, émerveillé les touristes, les pélerins, sa bénédiction a enchanté les grands et les petits…..mais les autorités ont fait le ménage, supprimer les petits commerces autour du Temples, les marchands du Temple n’ont plus lieu d’existé, ou si, loin, très loin… pour préserver le lieu, un mal pour un bien ?

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Vous chaussures, c’est à la porte, même pas dans votre sac.

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Tout le nécessaire aux rites

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L’Eléphante Laxmi

La ville royale est peut-être plus séduisante encore. Le Zenana était le quartier des femmes du roi, le harem. Un mur cyclopéen l’entoure. Dans l’enceinte même, le monument le plus gracieux et le mieux conservé est sans doute le pavillon du Lotus Mahal, construit dans un style dit indo-sarascène qui associe des éléments hindous et des éléments islamiques. Le Bain de la reine est un bassin entouré de balcons où s’installaient chanteurs et musiciens. Un peu plus loin, les onze écuries pour éléphants sont irrésistibles. Partout, de grandes citernes et les fondements d’édifices gigantesques et disparus dont ne restent que quelques bas-reliefs de chevaux, de chameaux, d’éléphants, de scènes de chasse.

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À quelques kilomètres au nord de la ville sacrée et de la ville royale s’élève l’édifice le plus raffiné et le plus spectaculaire du site : le temple de Vitthala. Dans la vaste cour entourée de galeries à portiques, un char de pierre de toute beauté dont les quatre roues étaient capables de tourner est dédié à l’aigle Garuda, la monture de Vishnou.

D’énormes projecteurs ici et là , ont été installé, pour y proposer un « Son et Lumière », une fois par semaine, pour les voyageurs du Luxueux « Golden Chariot », ce train qui parcours le Karnataka en 1 semaine à un prix pas tout à fait raisonnable…

L'Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

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L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

Vous pouvez vous promener pendant des heures, pendant des jours entiers, sur le site inépuisable de Hampi. Et quand, fatigué de tant d’histoire et de tant de splendeur, vous cherchez un endroit où vous reposer un peu, il n’est pas interdit de vous rendre au Mango Tree. C’est un restaurant en terrasse, au-dessus de la rivière Tungabhadra, à l’ombre d’un grand manguier. En bas, vêtues de rose, de vert, d’orange, des femmes lavent leur linge à grand bruit. Passent des singes, des buffles, de temps en temps un éléphant. Vous restez là, tranquille, à rêver au sort des empires disparus.

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L’Inde est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne

Ah , Mr Jean d’Ormesson, le Mango Tree de Hampi…vous l’avez connu, en ce bord de rivière, ces terrasses, ces toilettes pour le moins « indiennes », moi aussi, j’y ai fait mangé des Joailliers français, en y apportant ma touche toute perso, les rouleaux de papiers toilettes, les serviettes de tables, les nappes, bref, tout pour éviter la touche trop routarde, car oui, la cadre bucolique, invitait à la réverie. Le Mango Tree existe toujours, malheureusement, pas du tout à l’endroit que vous et moi, l’avons connu. Les empires ont disparu, et le charme d’Hampi est également en grand danger, à vouloir le conserver, on lui retire toute la magie, pour en faire une attraction touristique, que vous n’aimeriez pas, Mr Jean d’Ormesson.

Finalement  l’Inde  qui est depuis toujours, une anarchie qui fonctionne, va nous manquer comme vous nous manquez déja.

 

Texte d’origine :  L’Inde, une anarchie qui fonctionne de Jean d’Ormesson