Pourquoi Auroville ne fait pas partie de mes itinéraires
Auroville: une utopie universelle au prix des terres locales?
Auroville, la « Cité de l’Aurore », fascine et intrigue. Fondée en 1968 sous l’impulsion de Mira Alfassa, la Mère, inspirée par les enseignements de Sri Aurobindo, cette communauté expérimentale en Inde du Sud se veut un modèle de société universelle. Un espace où l’humanité vivrait en harmonie, sans distinctions de nationalité, de religion ou de classe sociale. Sur le papier, une utopie inspirante.
Mais derrière cette vision idéalisée se cachent des réalités souvent oubliées : l’impact sur les populations locales et le rôle du tourisme dans cette dynamique.
Auroville: un projet visionnaire, mais pour qui?
Auroville s’est développée sur des terres autrefois occupées par des agriculteurs tamouls. Pour ériger cette cité idéale, des terrains ont été achetés, mais aussi expropriés, conduisant à des tensions entre les Auroviliens et les communautés locales.
Aujourd’hui encore, la majorité des Auroviliens sont des expatriés venus d’Europe et d’ailleurs, tandis que les Tamouls occupent souvent des postes de travailleurs manuels dans la communauté. Ce déséquilibre interroge : dans quelle mesure Auroville a-t-elle vraiment intégré les populations locales dans son projet d’unité humaine?
Le rôle du tourisme dans l’économie d’Auroville
Auroville attire chaque année des milliers de visiteurs, séduits par son mode de vie alternatif, son approche écologique et son architecture futuriste. Mais cette affluence pose plusieurs questions:
- Qui profite réellement de cette manne touristique ?
- Quel est l’impact de cette fréquentation sur l’environnement et sur les habitants tamouls ?
- Le modèle économique d’Auroville repose-t-il sur une forme d’exploitation voilée ?
Si le projet prône un monde sans argent en interne, les réalités économiques sont bien différentes. De nombreux commerces, restaurants et éco-lodges sont détenus par des résidents internationaux, et les bénéfices du tourisme ne sont pas toujours redistribués aux communautés locales.
Un modèle écologique exemplaire… mais exclusif ?
Auroville est souvent citée comme un modèle en matière de développement durable: reforestation, permaculture, énergies renouvelables. Pourtant, ces initiatives restent en grande partie hors de portée des populations locales. Les techniques agricoles alternatives, par exemple, sont rarement partagées avec les agriculteurs tamouls, qui continuent à pratiquer une agriculture plus conventionnelle et précaire.
La question se pose alors : Auroville est-elle un laboratoire d’innovations pour le monde entier, ou un îlot d’expérimentation réservé à une élite?
Pourquoi Auroville ne fait pas partie de mes itinéraires
Depuis ma première visite à Auroville, j’ai toujours été déçue. Dès le premier jour, alors que le Matrimandir était encore en construction, j’ai dû faire la queue sous une chaleur accablante, et Dieu sait que pour les indiens :le respect de l’ordre était loin d’être une priorité. Hors ici, j’ai vu les blancs donner les ordres, les autres exécutés.
Au fil des années, mes visites se sont multipliées, notamment avec des agences de voyages françaises qui fantasmaient sur cet endroit. Mais une fois sur place, la désillusion était souvent immédiate : un « Disneyland bobo », une mise en scène de l’utopie qui ne résonne pas avec mes valeurs.
C’est pourquoi vous ne trouverez jamais Auroville dans mes itinéraires. Je ne cautionne pas ce qui ne me parle pas et ce qui, à mes yeux, ne respecte pas pleinement l’essence du voyage responsable. Jee n’interdis pas, mais je ne promotionne pas, chacun y va s’il le souhaite pour se faire sa propre opinion. Je n’expose que mon avis.
Le tourisme responsable face à l’utopie
Face à ces constats, comment intégrer Auroville dans une démarche de voyage responsable ? Voici quelques pistes :
- S’informer sur l’histoire des terres d’Auroville et la réalité des relations entre Auroviliens et Tamouls.
- Privilégier les initiatives locales en soutenant les commerces tenus par des Tamouls plutôt que par les expatriés.
- Engager le dialogue avec les habitants, au-delà des discours officiels de la communauté.
- Se poser la question de son impact en tant que visiteur, et éviter une consommation passive de cette utopie.
Auroville reste une expérience unique, un espace de réflexion sur un autre modèle de société. Mais, comme toute utopie, elle mérite d’être interrogée, surtout lorsque les voix locales sont mises de côté. Voyager responsable, c’est aussi reconnaître ces réalités et s’assurer que l’idéal de demain ne se construit pas au détriment de ceux qui étaient là avant.