La chaîne de valeur du tourisme français : qui se fait plumer ?
Le grand mensonge du « devis gratuit »
Dans le tourisme français, on a inventé un truc formidable : faire travailler tout le monde gratuitement au nom du « service client ».
Résultat ? Une chaîne de valeur complètement cassée où ceux qui créent réellement la valeur se font systématiquement plumer.
L’agence émettrice : la schizophrénie du gratuit
Le paradoxe français : L’agence émettrice française s’est auto-convaincue que le devis gratuit était un « standard du marché ». Pendant ce temps, les travel planners facturent 30€ par jour et par personne leurs « recommandations » (traduire : leurs listes de liens Google) et trouvent des clients.
La réalité du terrain :
- plusieurs jours pour créer un devis sur-mesure ( et Dieu sait, enfin Ganesh chez nous, la pression qu’on se met à BB Voyage pour répondre dans les meilleurs délais, voir 24h).
- Des obligations légales à respecter = et oui, aussi en Inde, notre profession est réglementée.
- Recherche d’hébergements, sourcing terrain, veille tarifaire.
- Taux de transformation souvent inférieur à 30%.
Le réveil brutal : Quelques agences commencent à facturer 150-1500€ leurs devis.
Et ça marche !
Parce qu’au final, les clients qui refusent de payer 150€ pour un devis ne sont pas prêts à dépenser 15 000€ pour un voyage.
Les DMC : les dindons de la farce
La position la plus pourrie de la chaîne : Les agences réceptives/DMC sont dans la pire position. Elles :
- Se font solliciter par 3-4 agences pour la même demande
- Investissent leur expertise terrain gratuitement
- Voient leurs idées reprises (volées, si, si ) et leurs tarifs comparés
- N’ont aucun contact avec le client final
L’arnaque du « faire le marché » :
- L’agence émettrice contacte 4 DMC
- Elle récupère 4 propositions détaillées gratuites
- Elle mixe le meilleur de chaque pour créer SA proposition
- Elle négocie avec la moins chère en s’appuyant sur les autres
- Les 3 autres ont travaillé pour rien
Le cercle vicieux : Plus les DMC acceptent cette logique, plus elles légitiment un système qui les appauvrit. Et comme elles ont peur de perdre leurs clients, elles continuent.
Le client final : complice malgré lui
La déresponsabilisation totale : Le client français a été habitué au tout gratuit.
Il exige :
- Des devis multiples sans engagement
- Des modifications infinies
- Du conseil personnalisé
- De l’expertise terrain
- Le tout gratuitement, évidemment
La réalité économique : Quand on achète une cuisine, on paie l’étude. Quand on fait construire, on paie les plans. Mais pour un voyage à 20 000€, l’expertise doit être gratuite ?
Les vrais gagnants : les plateformes
Pendant que les professionnels du voyage se battent sur des miettes, les plateformes :
- Monétisent chaque clic
- Captent la data client
- Prélèvent leur commission sans créer de valeur
- Standardisent l’offre pour maximiser leurs marges
L’ironie : Les mêmes clients qui trouvent normal de payer Booking.com trouvent scandaleux de payer l’expertise d’un professionnel.
La solution : casser le système
Pour les agences émettrices :
- Devis payant systématique (150-500€ selon complexité)
- Facturation du conseil en amont
- Éducation client sur la valeur du service
Pour les DMC :
- Refus des consultations « fishing »
- Exclusivité temporaire obligatoire
- Facturation des études complexes même en B2B
- Spécialisation pour réduire la concurrence
Pour les clients :
- Accepter que l’expertise a un prix
- Comprendre que gratuit = low cost
- Valoriser le conseil personnalisé
Conclusion : révolution ou mort lente
Le secteur du tourisme français a le choix :
- Continuer dans la spirale du gratuit et voir les marges s’effriter jusqu’à la disparition des professionnels
- Éduquer le marché et remettre de la valeur dans l’expertise
Les travel planners l’ont compris. Les architectes l’ont toujours su. Les avocats ne travaillent pas gratuitement.
Pourquoi les professionnels du voyage acceptent-ils d’être les seuls à brader leur expertise ?
La réponse est simple : par peur. Peur de perdre des clients, peur de la concurrence, peur de sortir des standards.
Mais dans un marché qui se contracte, ceux qui survivront seront ceux qui auront su faire payer leur valeur ajoutée. Les autres disparaîtront de toute façon.
Le choix est simple : évoluer ou crever.
Article rédigé sans langue de bois par un secteur qui en a marre de se faire plumer. Cela ne va pas plaire à tout le monde et c’est fait pour…